L’Art Rupestre en Île-de-france
Par son abondance en matière de gravures rupestres, le sud de l’Île-de-France constitue l’une des plus riches régions
de France dans ce domaine et concentre l’essentiel de l’activité de l’association.
Un film documentaire
L’Art Rupestre dans le massif de Fontainebleau avec une visite virtuelle de l’abri du Cavalier au Coquibus.
Conception : ONF, Gersar et Parc naturel régional du Gâtinais français.
Réalisation : Paul Sergent
Production : La Menteuse
Numérisation et animation 3D : Okénite.
Le sud de l’Île-de-France est une des régions les plus riches en art rupestre, le Gersar ayant à ce jour recensé plus de 2500 sites. Les peintures y sont très rares (on ne connait que trois œuvres picturales anciennes dans le massif de Fontainebleau), la plupart des œuvres sont gravées. Beaucoup ont disparu, la plupart du temps à cause de l’activité des carriers qui exploitaient les bancs de grès.
Les gravures sont le plus souvent disposées dans des cavités : chambres d’effondrement, cavités dites géodiques ou auvents. Certaines cavités sont très pauvres, ne contenant qu’un sillon, d’autres au contraires sont gravées sur toute la surface disponible. Les gravures les plus anciennes ont été réalisées par rainurage, c’est-à-dire par frottement répété avec un outil de silex ou de grès nommés gravoir. La technique du piquetage est plus rare. La gravure linéaire, souvent réalisée d’un seul trait avec une pointe métallique, semble récente.
Nombre d’abris ornés par commune, documentation du Gersar
Les principaux motifs de l’art rupestre bellifontain :
Des figures géométriques : de simples sillons, des cruciformes (deux sillons se recoupant en forme de croix), des cupules (petits creusements circulaires), des quadrillages ou grilles (deux séries de traits parallèles entrecroisées, motif sujet à une grande variabilité), et enfin d’autres figures plus complexes (circulaires, triangulaires, quadrangulaires, signes rayonnants ou en étoile, signes réticulés, etc.) ;
- des représentations plus ou moins réalistes : figures humaines (anthropomorphes) ou des éléments du corps humain (pieds, têtes, motifs vulvaires, etc.), figurations animalières (notamment des cervidés), figurations d’armes, d’outils et d’objets divers. Ces représentations sont plus rares que les figures géométriques ;
- des symboles divers, parfois difficile à différencier des deux catégories précédentes, mais dont la signification était connue du graveur et de la communauté culturelle à laquelle il appartenait (rouelles, marelles, triples-enceintes, chrismes, croix diverses, etc.) ;
- des inscriptions, des noms ou des dates, ont été la plupart du temps réalisés au XIXe et au XXe siècle, même si certains sont plus anciens. Certains ont un intérêt historique, ethnographique ou sociologique. De nombreux graffitis contemporains constituent une cause importante de dégradations de panneaux anciens.
Les gravures appartenant aux trois premières catégories sont parfois désignées comme relevant du « style classique de Fontainebleau », notion commode mais dont les contours précis restent à définir.
La datation
Elle constitue une question épineuse car il n’existe aucune méthode de datation de gravures qui soit directe, fiable et universelle. L’examen de l’usure des gravures s’est avéré décevant. Les datations se basent donc principalement sur trois méthodes, de portée souvent limitée :
- le style de certaines gravures peut être comparé à celui d’autres arts mieux datés. Mais les sites présentant des analogies avec l’art de Fontainebleau sont rares, et la notion de style est difficile à appréhender de manière objective ;
- les objets représentés eux-mêmes sont parfois datables, comme des outils ou certaines haches ;
- le contexte archéologique des gravures est susceptible de fournir des informations précieuses, mais il est assez rarement présent.
Ces méthodes ont néanmoins permis de dater certaines œuvres de diverses époques, soit en partant de la plus ancienne :
- quelques rares gravures et peintures ont pu être datées grâce à leur style du paléolithique supérieur avec une bonne probabilité, c’est-à-dire d’avant 10 000 avant J.-C., soit en gros de l’époque de Lascaux ;
- plusieurs sites (dont un très grand abri abondamment gravé à Larchant, dit Grotte à la Peinture) ont livré des gravoirs fabriqués avec de l’outillage en silex caractéristique du mésolithique (de 10 000 à 5000 avant J.-C. environ), ce qui montre qu’une partie au moins des gravures de l’abri (tout à fait typiques de l’art classique de Fontainebleau) datent de cette époque. Mais il demeure imprudent de considérer qu’une telle attribution est acquise pour l’ensemble du corpus ;
- des gravures de la vallée de l’Essonne ont des analogies avec l’art armoricain et datent du néolithique moyen, elles se trouvent sur des mégalithes ou sous abri. Elles représentent entre autre des haches polies et parfois emmanchées, des crosses, des navires, de grands personnages très stylisés arborant des coiffes agrémentées de ce qui ressemble à de grandes plumes ;
- des gravures récemment découvertes dans le sud de la forêt de Fontainebleau datent de la fin de l’Âge du bronze. Elles sont finement exécutées, de faibles dimensions, disposées dans des cavités discrètes et possèdent un répertoire spécifique (symboles nombreux et complexes, représentations mythologiques humaines ou animales. Il s’agit d’un style nommé style de la Malmontagne, daté par analogie avec des motifs trouvés sur nombre de poteries bien datées. Une autre style proche, le style du Long Rocher, date sans doute de la même période ;
- pour l’instant, aucune gravure n’a été découverte qui daterait avec certitude de l’Âge du fer ou de la période gallo-romaine ;
- quelques rares gravures datent du Moyen-âge, représentant des scènes de chasse, des hommes à cheval ou armés (lances, armures)
- enfin, l’époque moderne est surtout représentée par d’innombrables graffitis.
L’interprétation
Malgré des décennies de réflexions et d’études, les pétroglyphes de Fontainebleau restent mystérieux pour de multiples raisons, notamment leur très large spectre temporel : on est en droit de penser que tracer trois sillons parallèles n’avait pas la même signification il y a 8000 ans ou avant-hier. Quelques interprétations (marques de comptage, d’affûtage, protoécriture, prélèvement de poudre de grès à des fins prophylactiques ou rituelles) sont écartées depuis longtemps sauf peut-être dans quelques cas très ponctuels. Quelques hypothèses générales peuvent néanmoins être esquissées :
- les cavités étant exiguës, l’acte de graver semble être plutôt individuel ;
- le répertoire limité et répétitif des gravures semble suffisamment codifié pour que leur signification ait été comprise collectivement à une époque donnée : l’art de Fontainebleau est le reflet d’une ou de plusieurs cultures ;
- le fait qu’un observateur contemporain ne ressente pas de composition d’ensemble dans la plupart des cas pourrait indiquer que l’acte de graver était plus important que le résultat visuel. De même, certains abris donnent l’impression d’avoir été réalisés par plusieurs graveurs en plusieurs temps, leur donnant un caractère cumulatif, mais ceci est loin d’être le cas général.
- les gravures sont surtout présentes dans des cavités abritées, ce qui pourrait faire penser qu’elles étaient en relation avec le monde des profondeurs, qu’il s’agisse de contexte utérin ou de divinités chtoniennes ;
- de nombreux symboles chrétiens ont sans doute été tardivement ajoutés au fond de gravures anciennes, peut-être pour neutraliser la dimension païenne et donc maléfique des lieux, ou au contraire pour s’approprier leur sacralité ;
- Enfin, des styles très spécifiques (Malmontagne par exemple) peuvent être interprétés de manière autonome (récits mythologiques, reflets d’une cosmogonie).
Bibliographie succincte
Généralités
- Gilles TASSÉ. Pétroglyphes du Bassin parisien (XVIe supplément à Gallia Préhistoire). Éditions du CNRS, 1982
- Alain BENARD. Symboles et mystères. L’art rupestre du sud de l’Île-de-France. Éditions Errances, 2014
- Les Bulletins du Gersar
Sur les gravures du néolithique
- Serge CASSEN, Valentin GRIMAUD, Laurent LESCOP et Laurent VALOIS. Stèles et gravures du Massif armoricain, du Bassin parisien et de Bourgogne. In Jade, tome 4. Éditions Presses universitaires de Franche-Comté et Centre du Recherches Archéologiques de la Vallée de l’Ain, 2017, p. 760-845
Sur les gravures du style Malmontagne et Long Rocher
- Daniel SIMONIN, Laurent VALOIS et al. Pierres secrètes – Mythologie préceltique en forêt de Fontainebleau. Éditions Errances et Picard, 2023
Autres sites étudiés par le GERSAR
D’autres sites d’art rupestre en France ou dans les pays voisins ont fait l’objet d’études de
la part des membres du GERSAR.
Nous donnerons quelques exemples :
LES VOSGES
présentent de nombreux sites d’art rupestre non
figuratif.
Abri orné de Wildemann Felsen à Haspelschiedt, Moselle.
L'AISNE
Le massif gréseux du Tardenois, dans le département de l’Aisne, renferme des cavités ornées dont les gravures sont très proches de celles du sud de l’Île-de-France.
Abri du Soldat Franc à Brécy, Aisne :
LA PICARDIE
En Picardie, les massifs forestiers du sud de l’Oise possèdent aussi des formations gréseuses avec des cavités ornées de gravures schématiques non figuratives.
Abri orné du Bois du Gouvernement à Péroy-les-Gombries, Oise.
Saint-Aubin-de-Baubigné
Dans les Deux-Sèvres, le site des Vaux à Saint-Aubin-de-Baubigné nous montre des blocs de granite ornés de gravures figuratives.
Bloc orné des Vaux.
LA SAVOIE
En Haute Maurienne (Savoie), les blocs ou plaques de schiste, situés le plus souvent en haute altitude, nous montrent des gravures géométriques ou figuratives et un cas unique de peintures animalières.
La Pierre aux Pieds à Lanslevillard et les cervidés peints du Rocher du Château à Bessans :
Les Hautes-Alpes
Dans les vallées d’altitude du Queyras dans les Hautes-Alpes, en altitude, les plaques schisteuses montrant un art rupestre sont nombreuses.
La dalle ornée du Col Pisset à Ristolas :
LE Luxembourg
Au Luxembourg, dans les environs d’Echternach nous trouvons des abris ornés aux pieds des falaises gréseuses avec un art rupestre le plus souvent non figuratif.
Abri de Zeichenfelsens à Mullerthal, photo et relevé :
l'Yonne
En raison d’un répertoire gravé fréquemment commun avec les sites d’art rupestre, nous avons été amenés à étudier des sites à graffiti, bâtiments ou caves. Bien que ces sites soient de nature annexe à l’art rupestre, ils peuvent nous apporter des éléments dans les attributions chronoculturelles.
Cave Duguet en Sénonais :